Publicité comparative : envie de jouer avec le feu?

Publicité comparative : envie de jouer avec le feu?

Saviez-vous que le dernier article alimentaire que vous avez acheté chez Auchan, Carrefour ou Intermarché était en moyenne moins cher chez Leclerc? Que Bouygues Telecom avait une meilleure couverture réseau 4G que Free, Orange ou SFR? Que l’écran du MacBook Air d’Apple n’était pas séparable de son clavier contrairement à celui de la Surface Pro 3 de Microsoft? Ce sont des informations comme celles-ci, parfois sujettes à interprétation, qu’essaient de véhiculer certaines marques par le biais de la publicité comparative. Votre agence de webmarketing Blacknyan fait le point sur ce procédé promotionnel plutôt discutable.

Qu’est-ce que la publicité comparative?

Selon les termes établis par le Code de la consommation, la publicité comparative se définit comme « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent ». Autrement dit, vous faites de la publicité comparative dès lors que vous cherchez à valoriser votre offre en évoquant une entreprise adverse dans votre réclame. Cette technique de promotion est autorisée en France depuis 1992. Cependant, ce n’est qu’à partir de 2001 qu’elle commence à se développer, suite à l’adoption d’une directive européenne de 1997 qui clarifie et assouplit le cadre légal la régissant, jusqu’alors trop opaque et rigide pour que les marques s’aventurent vraiment sur le terrain. Mais trêve de détails historiques : passons sans plus attendre à ce qui nous intéresse, à savoir les applications présentes de la publicité comparative.

Comment la publicité comparative se décline-t-elle?

Non, toutes les publicités comparatives ne se ressemblent pas! Deux variantes d’annonces existent : d’une part, celles qui se basent exclusivement sur une confrontation des prix, et de l’autre, celles qui mettent en parallèle les caractéristiques des produits ou services présentés. Explications…

Les comparaisons tarifaires

Ce sont les publicités qui passent en boucle pour les enseignes de grande distribution. Depuis l’ouverture des hostilités par Leclerc en 2006 avec le lancement de son comparateur de prix « quiestlemoinscher.com », les grandes surfaces rivalisent d’arguments similaires pour nous convaincre qu’elles défient toute concurrence sur le plan tarifaire. Chacune prétend qu’elle est moins chère que sa voisine, si bien que le consommateur ne sait finalement plus vers qui se tourner. Pourquoi? Parce que les comparaisons effectuées portent souvent sur un produit ciblé ou une quantité restreinte de produits. Sauf que personne ou presque ne va au supermarché pour acheter seulement un produit, et les panels de produits sélectionnés ne pas toujours représentatifs du panier de courses classique d’un individu moyen. Devant la multiplicité de discours quasi identiques et rarement représentatifs, les acheteurs sont perplexes… Les effets des publicités comparatives portant sur les prix ont de ce fait tendance à s’annuler, mais les magasins sont contraints d’être présents sur le créneau pour rester compétitifs aux yeux de leurs clients et prospects. Un cercle vicieux, en quelque sorte.

Les comparaisons techniques

Plus rares mais aussi tellement plus créatives et cinglantes, ces publicités sont souvent mémorables. Pour marquer les esprits, les spécialistes de la réclame se surpassent, jouant tantôt sur l’humour, tantôt sur le cynisme… Peut-être avez-vous d’ailleurs encore à l’esprit la guerre publicitaire qui oppose Coca-Cola à Pepsi? Peu de pubs de ce genre voient le jour dans nos contrées, mais aucune ne laisse en général indifférent. À titre d’exemple, nous vous proposons une publicité de Jaguar, qui parodie avec génie une annonce commerciale de Mercedes dans laquelle le constructeur allemand vante le confort de son système de conduite « Magic Body Control » en manipulant une poule.

Quels résultats attendre de la publicité comparative?

Les résultats que vous obtiendrez en vous engageant dans une campagne de publicité comparative vont bien sûr essentiellement dépendre de la réception de votre pub par les consommateurs, mais aussi de la réaction du ou des concurrents au(x)quel(s) vous vous serez attaqué. Voici les principaux effets possibles d’un tel type de promotion.

Les retombées positives potentielles

Inutile de souligner que le premier objectif recherché est de booster vos ventes en galvanisant votre image de marque dans la foulée. Sinon pourquoi allouer une partie de votre budget à la publicité comparative? Zoom sur les quelques bénéfices que vous pouvez espérer tirer d’une offensive publicitaire contre la concurrence.

La bonne réception

La meilleure chose qui puisse vous arriver, c’est de vous mettre le public dans la poche. Captif de vos arguments imparables, votre auditoire est séduit par la façon dont vous lui communiquez votre offre. En plus, il n’a plus qu’à boire vos paroles : dans votre grande prévenance, vous avez déjà mâché son travail de recherche et de réflexion. Si tel est le cas : bravo, votre campagne publicitaire est un succès!

Le clivage à effet « buzz »

Fait indéniable, les rivalités font vendre. Les consommateurs sont fiers de revendiquer leur appartenance à un groupe d’individus. Par exemple, on distingue les possesseurs d’iPhone du reste des utilisateurs de smartphones (big up, Steve), les gens qui mangent des pains au chocolat de ceux qui consomment des « chocolatines », etc. Le clivage est un signal positif qui vous permet de fédérer et fidéliser vos clients en contribuant à vous bâtir une identité forte. Il va par la même occasion susciter le débat en ne laissant personne de marbre ; vous pourrez alors capitaliser sur l’effet « buzz » qui en découlera.

Les retombées négatives potentielles

Malheureusement, vous vous doutez bien que tout n’est pas rose au pays de la publicité comparative. En ayant recours à cette méthode peu conventionnelle, vous prenez des risques, et cela implique naturellement des résultats qui peuvent être néfastes pour votre structure. Voyons un peu quels sont les dangers auxquels vous vous exposez.

L’accueil hostile

Au lieu de réagir positivement à votre publicité comparative, votre audience peut tout aussi bien accueillir votre action promotionnelle d’un mauvais oeil. Plutôt que de saluer la puissance de votre offre, le public peut penser que vous n’êtes pas suffisamment bon pour vous valoriser autrement qu’au détriment de vos concurrents, qui ont alors de grandes chances d’attirer la sympathie sur eux. Un scénario qui correspond exactement à l’inverse du résultat escompté.

Le conflit juridique

C’est l’éventualité qui peut faire très mal au portefeuille ; l’un des concurrents remis en cause par vos publicités peut se retourner contre vous en justice s’il estime que vous pratiquez une forme de concurrence déloyale. En janvier 2015, Carrefour a par exemple été condamné par le tribunal de commerce de Paris à verser 800.000€ de dommages et intérêts à Intermarché (qui réclamait réparation à hauteur de 3 millions) suite à la diffusion de spots jugés dénigrants. La décision de justice a également impliqué la suspension de la campagne publicitaire et la publication du jugement sur les sites Web de l’enseigne hors-la-loi. Attention donc à ce que votre argumentaire ne vous fasse pas basculer dans l’illégalité!

Le retour de flamme

Voilà sans aucun doute le pire des cas de figure pour votre image. Celui dans lequel votre concurrent vous atomise littéralement en contrecarrant votre publicité. Aux yeux du public, il communique tout simplement mieux que vous. Vous ne l’aviez pas vu venir. Et en plus, vous êtes le méchant dans l’histoire. Vous êtes discrédité et l’avez bien cherché. McDonald’s en a fait l’expérience après avoir critiqué Burger King sur son manque de présence sur le territoire français dans une publicité. La réponse de Burger King a tout simplement été magique. Nous vous laissons en juger par vous-même.

Que dit la loi?

En matière de publicité comparative, comme dans l’exercice de toute autre activité, une dimension réglementaire est à prendre en compte. Et pour le coup, il vaut même mieux ne négliger aucun détail. Il y en a qui ont essayé. Ils ont eu des problèmes…

Les modalités

Si, après avoir lu ce qui précède, vous êtes toujours enclin à amorcer une campagne de publicité comparative, voici quelques points que vous devrez respecter afin d’être en règle vis-à-vis des autorités hexagonales. Selon le Code de la consommation, pour être licite, votre publicité :

  • ne sera pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
  • ne comparera votre offre qu’à des produits ou services répondant aux mêmes finalités ;
  • ne portera que sur des critères essentiels, pertinents, vérifiables et représentatifs des produits et services que vous mettez en avant (le prix étant l’un de ces critères) ;
  • ne tirera pas profit de la notoriété relative aux signes distinctifs (marques et noms commerciaux) de vos concurrents, pas plus qu’aux appellations d’origine ou aux indications géographiques protégées de leurs produits ;
  • ne suscitera pas le discrédit ou le dénigrement des produits ou services de vos concurrents, pas plus que de leurs signes distinctifs (marques et noms commerciaux), leur activité ou leur situation ;
  • ne provoquera pas la confusion entre votre identité (marques, noms commerciaux, produits ou services) et celle de vos concurrents ;
  • ne présentera pas d’imitations ou de reproductions de produits ou services concurrents bénéficiant d’une marque ou d’un nom commercial protégé ;
  • ne portera pas sur des opérations commerciales exigeant une autorisation administrative telles que les soldes, les foires et salons, l’ouverture dominicale ou la vente au déballage ;
  • ne figurera pas sur certains supports tels que les emballages, les factures, les moyens de paiement, les titres de transport ou les tickets d’entrée.

Les sanctions

Après ce bloc fort intéressant traitant des nombreuses conditions à respecter pour faire de la publicité comparative, vous voudrez sans doute savoir ce que vous risquez si vous ne les respectez pas. Accrochez-vous, les sanctions infligées aux contrevenants sont très lourdes, que ce soit pour les entreprises ou les agences de communication à l’origine des réclames illicites. Pour ce qui est du civil, une cessation de la publicité incriminée peut être ordonnée, accompagnée d’une publication judiciaire informant de la condamnation, le tout aux frais des coupables de l’infraction et sans aucun droit de réponse possible dans la presse. En ce qui concerne le pénal, 2 ans d’emprisonnement et 300.000€ d’amende (ou jusqu’à 50% du budget publicitaire engagé) sont prévus pour les personnes physiques ; 1.500.000€ pour les personnes morales. Cerise sur le gâteau, les publicitaires reconnus responsables de contrefaçon de marque seront punis de 400.000€ d’amende et 4 ans de prison, avec un bonus multiplicateur doublant la peine en cas de récidive. Cela donne envie de tenter le coup, n’est-ce pas?

En conclusion, s’adonner à la publicité comparative, c’est un peu comme jouer avec un briquet et un bidon d’essence : vous pouvez obtenir des résultats flamboyants ou vous brûler les doigts. Avant d’ouvrir le feu, gardez à l’esprit que c’est bien vous qui risquez de vous faire descendre en flammes par l’opinion ou vos concurrents. Au vu du cadre légal qui réglemente le milieu, nous ne pouvons que trop vous recommander que vous octroyer les services d’un avocat spécialisé en droit commercial avant de mettre en place toute action dans ce sens. Les enjeux sont trop grands pour vous lancer sans accompagnement juridique dans une offensive promotionnelle où un seul faux-pas pourrait vous coûter vraiment très gros. D’ailleurs, si nous le pouvions, nous vous dissuaderions tout simplement de recourir à cette pratique. Ne cédez pas à la facilité. Est-il vraiment nécessaire de démonter au monde que vous être meilleur que vos concurrents sur quelques points arbitraires quand le monde devrait pouvoir se rendre compte par lui-même de votre supériorité? Toutefois, rien ne vous empêche de remettre les pendules à l’heure en cas d’agression. C’est de bonne guerre, et le public adore les combats de poules… Euh, de coqs. Ah, et au passage, si vous vous posez encore la question : malgré le bien que nous ayons pu écrire à propos de certaines marques, cet article n’est pas sponsorisé. Nous n’allons pas encore chez Burger King en Jaguar. Et c’est bien triste.

Crédit image : https://www.flickr.com/photos/annieroi/5857516397/